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Quel rôle joue l’art dans ce processus de commémoration ?

La représentation se limite au domaine du représentable. Souvent, elle manque de pudeur pour les victimes et leurs familles; elle banalise l’image de l’horreur et donc l’horreur elle-même. Est-ce qu’une image artistique permet de toucher les consciences autrement et d’aider les victimes, induisant le recueillement, le respect et un sens humain à la mémoire de l’inhumain ?

Le besoin de «re-présenter», de manière différente, esthétique et peut-être thérapeutique, apaiserait la violence des images insupportables ou refoulées au fond de la mémoire. Pour l’artiste, l’œuvre a vocation à produire des interrogations chez le spectateur, et non à répondre à des questions. Cette capacité étonnante qu’a l’œuvre d’art de maintenir éveille notre curiositéet de questionner le spectateur est peut-être le meilleur remède contre l’amnésie. Les représentations artistiques apparaissent comme une arme contre l’oubli autant que comme l’écho de la bataille elle-même. Les oeuvres d’art, quelles que soient leur époque, leur nature et leur condition de production, participent toutes à la construction de la mémoire au point d’être parfois, des années après, l’unique marqueur d’un événement.

L’œuvre d’art a joué le rôle de témoin au cours de l’histoire de l’humanité, s’inscrivant dans la mémoire collective ou personnelle souvent plus profondément que d’autres moyens d’information. « C’est une œuvre d’art, Guernica [de Picasso], qui nous rappelle aujourd’hui, et plus de soixante[-dix] ans après qu’elle a eu lieu, la tragédie du petit village basque, non pas les journaux du temps ni l’histoire savante des manuels ».

L’art mural s’inscrit dans une longue tradition traversant les époques, passant des fresques religieuses aux graffitis contemporains. L’ensemble de l’art occidental a été dominé jusqu’au XVIIIe siècle par la peinture murale, en particulier dans le contexte ecclésiastique. Véritable institution au Mexique, la peinture murale est également utilisée par de nombreux artistes, en autre Ernest Pignon-Ernest qui réalisa une série de sérigraphies sur le mur des églises de Naples ou encore les célèbres sérigraphies de la Pieta sud-Africaine collées sur les murs de Johannesburg, du Cap et de Durban. Loin d’être un acte iconoclaste, le projet des Hommes debout s’inscrit donc dans une tradition centenaire, tout en commémorant un événement historique contemporain. Ces peintures inscrivent dans la pierre la mémoire des victimes et la dignite du peuple rwandais.

Qui plus est, cette technique permet de rendre accessible l’art et la mémoire àun grand nombre de personnes, y compris hors des frontières rwandaises. La reproduction des Hommes debout sur les façades de lieux importants dans le monde crée un pont symbolique entre le peuple rwandais et la communauté internationale dont l’histoire est intimement liée. Un génocide, par définition, est un crime contre l’Humanité, donc nous concerne tous sans exception. Au-delàde cela, certaines responsabilités et complicités doivent être mises en lumière et reconnues pour pouvoir collectivement rendre hommage aux victimes et affirmer la dignite d’un peuple qui se relève de ses cendres.

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